Kurosawa, la tronçonneuse et l’ourse

C’est Kiyoshi Kurosawa — et non son célèbre homonyme, même s’il n’a pas toujours été avare de massacres — qui nous a donné envie de voir Massacre à la tronçonneuse, le beau film de Tobe Hooper. Dans son Effroyable histoire du cinéma, paru chez Rouge profond, le cinéaste japonais revient avec une aimable ironie sur ce qui fait, selon lui, la spécificité du cinéma d’horreur. « Le passage de la vie à la mort prend un certain temps. Dans le cinéma d’action, cela ne dure qu’un éclair. Dans l’horreur, c’est un processus, une transition lente. Voilà la différence entre les deux genres. Hooper la connaît et l’exploite. Il veut décrire ce processus, retarder l’instant de la mort même s’il n’y a pas d’autre issue. » On peut même dire que Hooper exploite avec un bonheur sauvage toutes les mues, toutes les laissées de ce processus. Ainsi Massacre à la tronçonneuse, s’ouvre sur une séquence d’exhumation artistique, se poursuit avec des photographies d’abattoir et trouve son apothéose dans la maison des tueurs, au milieu d’extraordinaires sculptures d’os, de plumes et de peau — on est bien loin de la momie de Mrs Bates, servie, dans le Psychose de Hitchcock, sur le plateau de la psychologie. Ossements et momies se sont frayés chemin dans deux films récents de Kurosawa, Loft et Rétribution, filmés (un peu paresseusement, hélas) dans cette zone de transition entre vie et mort dont il parle si bien — de même que la porte de fer de Massacre à la tronçonneuse se dressait, presque à l’identique, dans Door 3, un Kurosawa de 1996, comme le rappelle le cinéaste lui-même. Loin, en apparence, très loin des zones agonisantes de la campagne texane ou des faubourgs de Tokyo, on voit aussi ressurgir dans quelques pages de la Grande ourse, de Romain Verger, ces figures de l’art des charniers. 

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