Archives de Catégorie: Rencontres

Des épitaphes sous le sapin

On l’a croisée il y a quelques années grâce à Francis Jammes. LMG Névroplasticienne avait réalisé l’une des illustrations des Cahiers Francis Jammes, publication dirigée par l’ami Mikaël Lugan. LMG (qui a par la suite travaillé pour quelques numéros du Visage vert) avait déjà lancé le colossal projet des Épitaphes. Pendant plus de quatre ans, elle a collecté des textes — 365, pour être précis. Il suffisait de bien vouloir lui raconter sa mort, à venir, espérée, crainte. Chaque texte a inspiré un dessin (après quoi, LMG les a rangés dans un joli cercueil en bois qu’elle compte faire incinérer, tenant ainsi la promesse faite aux futurs défunts des Épitaphes). Les 365 dessins vont être publiés dans un beau volume aux éditions Les Âmes d’Atala. Après, l’espère-t-on, un ultime effort de la foule déchaînée de ceux qui, comme nous, apprécient les entreprises folles et sombres. Parce que pour faire des beaux livres, il faut quand même un peu d’argent. Déjà 80 % des sous dans la boîte à douze jours de la fin. Ne pas faiblir ! Une seule destination : .

Et pour vous mettre l’eau du Styx à la bouche, cette mort-là, belle comme Nerval.

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Jammes au salon de la revue

IMG_1472On vous le rappelle : tout le week-end, au Salon de la revue (Espace des Blancs-Manteaux, 48 rue Vieille du Temple, Paris), l’ami Mikaël Lugan présente les Cahiers Francis Jammes, bien entouré par la Nouvelle imprimerie gourmontienne et les Amis d’André Dhôtel. Occasion de découvrir ce poète qui est bien plus qu’un souvenir d’école primaire. Et une bonne centaine d’autres exposants (mais pas le Visage vert : nous serons au même endroit le mois prochain dans le cadre de l’Autre livre…)

Bel ailleurs, 13 avril

Si vous êtes à Paris ce soir (ou dans les environs), risquez-vous entre Charybde et Scylla, les deux librairies jumelles (non identiques) du XIIe arrondissement pour les cinquièmes Dystopiales. En Scylla, de 16 à 21 heures, vous pourrez rencontrer Régis Antoine Jaulin pour son Dit de Sargas. En Charydbe, à partir de 16 heures, une affiche de rêve : Elvire de Cock, Tommaso Pincio pour Les Fleurs du Karma, Xavier Mauméjean pour American Gothic (sur lequel nous reviendrons un de ces jours, c’est excellent), l’ami Romain Verger pour l’ensemble de son œuvre et (douces trompettes) Yves et Ada Rémy pour leurs faramineux Soldats de la mer, réédités en beauté par Dystopia.

Scylla, c’est 12 rue Riesener, métro Montgallet. Charybde, c’est 129 rue de Charenton, métro Gare de Lyon.

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Finir l’année en beauté

Trois excellents liens pour aborder 2013 dans la joie :

• L’épastrouillant Flandres-Hollande, pour découvrir avec un guide érudit et discret les littérature de langues flamande et néerlandaise. Et ces contrées sont riches en surprises pour les amateurs de fantastique et d’insolite.

• L’étrange Pong ! qu’il faut suivre au jour le jour.

• Et la plus curieuse encore LMG, qui, de surcroît, a besoin de votre aide, internautes de passage (entre autres), pour mener à bien son projet des épitaphes. Vous racontez votre mort à LMG, elle vous la dessine. Depuis 2011, LMG collecte ces morts dans le but de publier un livre qui en regroupa 365 (eh oui, année non bissextile.)

Belle fin d’année à tous, donc !

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S’il vous reste des sous…

… (ou pas), voilà quelques-unes de nos joies fantastiques de l’année.

Le prophète et le vizir (Yves et Ada Rémy, Dystopia). Les Lord Dunsany français. En plus, on a pu les voir et leur parler. Non seulement ils écrivent des choses formidables, mais de plus ce sont d’adorables personnes.

Sommeil d’or. Allez le voir, traquez le DVD (qui finira bien par sortir). Davy Chou, le réalisateur, y traque une licorne tragiquement disparue — le cinéma cambodgien d’avant les Khmers rouges.

Le Cinéma fantastique en France, 1897-1982 (CNC). On a trouvé ce superbe livre sous le sapin, on vous en reparle très vite.

Max Klinger, le théâtre de l’étrange : l’exposition est finie depuis un bon moment mais le catalogue est encore en librairie.

La Scène lyrique autour de 1900 (Rémy Campos, Aurélien Poidevin, L’OEil d’or) est pleine de diables, de sorcières et de sublimes décors.

• Le Faust de Sokourov et son singe dans la lune, en DVD chez Blaq Out. C’est l’autre meilleur film de l’année, pourquoi s’en priver ?

• (Blaq out édite aussi Luc Moullet, hein.)

Sion Sono, Sion Sono ! Il faudrait tout voir de ce grand cinéaste japonais. Guilty of Romance est sorti cet été — pour les DVD, une adresse (parisienne, mais il y a une boutique en ligne) : Hors Circuits.

L’Astringent / Manger fantôme, c’est, de Ryoko Sekiguchi (éditions Argol), deux extraordinaires traités culinaires.

• Le Black Herald évidemment, depuis 2010, revue littéraire qui écorche proprement (ou pas) la langue et les récits.

• Noire aussi, La Nuit du chasseur chez Wild Side. Le coffret pléthorique et superbe contient également un beau disque audio (le roman de Grubb lu par Charles Laughton sur une musique de Walter Schumann) qui a longtemps erré seul dans les boutiques.

La Vie et l’œuvre d’un pionnier du cinéma (Georges Méliès, présentation de Jean-Pierre Sirois-Trahan, éditions du Sonneur) : autobiographie à la troisième personne du singulier de l’inventeur du cinéma fantastique (entre autres).Melies_Un_homme_de_t_tes_0034

• Et puis Enig Marcheur dont le queur n’est pas près d’arrêter de saigner, supérieurement traduit par Nicolas Richard et publié chez Monsieur Toussaint Louverture.

 

 

Sade en scène

Il est profondément horrible, ce court spectacle intitulé Sade 2.0 que donnent au théâtre des Déchargeurs (c’est bien trouvé) deux échappés de la compagnie l’Héautontimorouménos, la comédienne Clémentine Marmey et l’auteur et metteur en scène Jean-François Mariotti. On y est allé un soir de neige en tremblant : la salle, nous avait-on dit, est minuscule et la comédienne déchiffre toutes les expressions faciales des spectateurs — dégoût, ennui, ravissement, surprise. Et autres. Pendant cinquante minutes, Marmey, cheveux tirés, yeux écarquillés, bouche triangulaire et gourmande, raconte de sa voix précise, timbrée, un conte affreux dont la trame et les noms propres (ou sales, c’est selon) sont empruntés à l’histoire du XXe siècle, et le texte aux Cent vingt jours de Sodome, du marquis de Sade, dont on aurait tort de croire le pouvoir de sidération diminué. Pétain se branle sur le corps agonisant de Jean Moulin, Bismarck fout six filles et leurs mères, Heidegger s’amuse avec Hannah Arendt et Hitler avec Anne Frank, le tsar Nicolas II se fait enculer par tout une ferme et Marianne, la Marianne des mairies, subit les pires tortures aux mains de ses ennemis. Mariotti envoie sur Marmey crucifiée par les ordures qui lui sortent de la bouche des images tour à tour violentes et douceâtres, ces deux phénomènes célébrant les obsèques d’un siècle qui, dit Mariotti, a bien mis cinquante ans à crever. Sans qu’on sache bien si le suivant, qui pue déjà, est plus recommandable. Le lendemain, on a encore à l’esprit le miroitement orange, sur le visage halluciné de Clémentine Marmey, du lac au bord duquel pique-niquent et forniquent, à jamais, quelques suppôts de l’enfer — Hitler, Staline, Franco, Mussolini. Et vous, spectateurs, bien malgré vous.

C’est à voir et à écouter pour une bonne dizaine de représentations encore — tous renseignements ici.

Au prince des bloggeurs

Un salut très attristé à Bruno Leclercq, le doux et tranquille animateur de Livrenblog, mort hier. On a maintes fois exploré la fin de siècle en sa compagnie — on continuera.

Demain, c’est promis, des nouvelles du Visage vert

En attendant et dans le désordre : vous pouvez précommander les deux premiers titres du Black Herald Press en suivant ce lien, continuer de pousser la Porte ouverte de notre ami Norbert Gaulard, aller vous faire cuire un œuf chez Zanzibar, retrouver Pierre Mac Orlan sur France Culture et dans la vraie vie passer 24 rue Voltaire, à Paris, adresse de la librairie des éditions Cambourakis. Il y a plein de beaux livres et notamment les nôtres.

The Black Herald is coming.

Avant de replonger dans le vert d’une brasse que l’on espère un peu plus nerveuse, le Visage vert vous présente une toute jeune maison d’édition amie qui devrait publier en octobre ses deux premiers volumes. Black Herald Press est le fruit d’une rencontre entre poètes — l’anglais Paul Stubbs, la française Blandine Longre (qui, il faut le préciser, écrit en anglais) — et devrait nous faire revivre les grandes heures de l’édition poétique de langue anglaise en France entre les deux guerres — le Black Sun des époux Crosby, les Hours de Nancy Cunard. Les deux titres à paraître — Ex Nihilo (Paul Stubbs) ; Clarities (Blandine Longre) — sont deux œuvres sauvages aux fascinants parallèles. Black Herald Press se propose de publier au cours de l’année 2011 une revue (poésie et proses courtes en anglais) que nous attendons également avec une impatience non déguisée.

Les dynamiteurs

Si la plupart des poètes et des écrivains ne travaillent et n’écrivent que dans ce qu’il est convenu d’appeler leur langue maternelle, il en est certain — poussés par l’exil, le voyage, le choix d’une culture dominante — qui s’en approprient une autre. Du polonais à l’anglais (Conrad), ou au français (Potocki), du suédois au français (Strindberg, pour l’unique Inferno), de l’allemand au français (Heine, pour certaines de ses chroniques), de l’anglais au français (Vernon Lee, pour quelques-unes de ses nouvelles), du japonais à l’allemand (Yoko Tawada), pour ne citer que quelques exemples. Pareil choix ne peut que nous fasciner, nous qui de la fragile barque du Visage vert draguons les eaux troubles, les lochs perdus et les puits sans fond. Ces grands voleurs donnent une texture unique à la langue qu’ils empruntent — une étrangeté qui, infime ou manifeste, vaut parfois tous les fantômes. Dans ces limbes s’est risquée notre amie Blandine Longre (dont on peut lire par ailleurs des fictions en français chez le Zaporogue et dans la revue Rue Saint Ambroise). Ce qu’elle en rapporte ? Dans une langue d’une tension unique, des poèmes qui sont autant de cosmogonies intérieures — brèves histoires de l’angoisse, du chagrin, de la passion, de la perte, sans cesse récrites, sans cesse réinventées. À lire, chez le Zaporogue toujours, et dans la revue en ligne 3:AM.